15 avril 2006

Pâques

Pourquoi suis-je abandonné ? Telle est l'interrogation de celui qui se trouve au seuil de la mort. Interrogation qui manifeste l'immense solitude de la personne face à son destin. Nous savons que, tous, nous aurons, un jour ou l'autre, à faire face, à notre tour, à ce moment ultime. En bonne santé, nous en parlons avec une certaine légèreté, mais lorsque cela se présente à nous, c'est une autre histoire. Cela n'est plus seulement le destin général de l'humanité. C'est ce que je vais vivre, seul, parfois dans l'indifférence des autres, parfois, et heureusement le plus souvent, entouré de toute l'affection des miens et de toute l'amitié de mes proches. Mais toutes ces amitiés et affections merveilleuses, nécessaires à ma paix et utiles à tous, car elles manifestent cette humanité qui nous fait vivre, tout cela n'ôte rien à la solitude personnelle de celui qui s'en va, car c'est lui et nul autre qui, à ce moment décisif, va changer de monde, va passer à un autre monde. Ce passage s'appelle, à son début, la mort. C'est là qu'on abandonne tout, c'est là que notre être semble s'abandonner lui-même.

C'est ce que rappellent les chrétiens en ce temps de Pâques, citant la parole du Christ mourant : « Pourquoi m'as-tu abandonné ? » Ce cri est presque une accusation, un reproche. Puis c'est le silence qui s'établit, le silence de la mort qui semble être le silence de Dieu. Pourtant, dans ce silence, être attentif peut faire découvrir autre chose. Tout est perdu, tout va s'arrêter, mais il peut naître quelque chose de nouveau, comme une espérance, l'espérance que cette épreuve n'anéantit pas l'homme, que celui-ci va vivre autrement ce qu'il y a de meilleur dans ce qu'il a vécu et qu'il va l'accomplir complètement. Certes, il est facile, quand nous sommes plein de vie, de dire ces choses et d'en parler alors que l'on ne se sent pas encore directement concerné. Mais il n'est pas interdit non plus d'espérer quand même que, lancée dans l'univers, la trajectoire de l'homme et de chaque homme ne s'arrête pas à la mort ; qu'elle se transforme dans la convergence de tous ceux qui s'élèvent, comme disait Teilhard de Chardin. Cette convergence, pensent les chrétiens, c'est la rencontre de chacun avec son humanité, de l'humanité avec elle-même et en ce Dieu créateur de la vie. C'est ce passage, ces retrouvailles que les chrétiens nomment Résurrection... Pâques.


Editorial de Ouest France du samedi 15 avril 2006,
par François Régis Hutin

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